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Association pour l'aide aux jeunes auteurs

Rose Tee – A travers Bethléem

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SUR LA ROUTE…
Une Coréenne avec un petit foulard vert autour du cou surgit de la foule et me crie: « Nativity, Nativity… » sur un air d’interrogation. Elle a dû perdre son troupeau. Je lui montre la petite porte, elle regarde le trou de souris dans la muraille, puis moi, puis le trou…

Une Coréenne avec un petit foulard vert autour du cou surgit de la foule et me crie, Nativity, Nativity, sur un air d’interrogation. Elle a dû perdre son troupeau. Je lui montre la petite porte, elle regarde le trou de souris dans la muraille, puis moi, puis le trou…

Un homme en sort plié en deux. La Coréenne bondit et disparaît. Je cherche Sayo des yeux. Un policier m’observe de loin. Maintenant que je l’ai vu, il vient à ma rencontre en souriant et me dit en anglais :

Hey, comment ça va ? Qu’est-ce que tu cherches ? Je peux t’aider ?

Non, c’est bon, je cherche juste mon amie.

Oh, OK, qui il est ? Où il est ?

Elle.

Oh, comment elle est ?

Elle est japonaise.

Oh, je ne vois pas une Japonaise. Peut-être elle. Il me montre une fille, sûrement une Philippine.

Non.

D’où tu es ?

France.

Oh, French French ! Bonjour madame ! Il le dit en français.

Bonjour monsieur ! Je rigole avec lui.

Bienvenue en Palestine !

Merci !

Tu es avec un groupe ?

Non, je suis juste avec mon amie.

Oh, c’est bien, c’est bien ! Quel âge tu as ?

22.

Et tu viens seule, c’est bien !

Sayo nous rejoint. Je n’ai pas toujours le réflexe de poser, et de retourner, les questions sur l’âge ou l’origine. Les Français ne sont pas aussi directs, c’est tout un art d’introduire ces sujets dans la conversation. Le policier nous demande ce qu’on veut voir, si on a visité la Basilique de la Nativité. Oui. C’est marrant la petite porte! Je le remercie et on se dit au revoir.

On traverse la grande place blanchie au Soleil. Derrière nous, les pèlerins s’éternisent. Je repense à ma mère qui m’a dit, c’est peut-être pour ça que les gens sont si religieux dans les pays chauds, y a que dans les églises qu’il fait frais. Je demande où est le souk, on m’explique, tout droit, tout droit, là-bas, partout. Pas clair. Tout droit, c’est de là qu’on vient et rien d’autre que des boutiques de petits Jésus dans son berceau. On tournera à gauche en haut de la colline, comme c’est dit dans le guide, qui, j’espère, dit bien.

L’escalier de la rue Paul VI, évasé sur la place, nous accueille dans la vieille ville, avant de nous perdre dans ses boucles. Les mêmes marchands nous appellent, hey, lady, d’où tu es ? Je fais 50% pour toi. On souhaite le bonjour à Sayo, en coréen, en chinois, parfois en japonais. Quelques notes d’allemand ou d’anglais sonnent encore dans la musique arabe.

Arrivées en haut, on tourne avant que la rue ne se resserre. Cinq petites marches donnent sur une cour. C’est un marché. Il y a des stands debout, par terre, partout ramassés entre les immeubles bas. Je regarde un homme assis sur un tissu entre ses choux de toutes les couleurs, un autre me demande, qu’est-ce que tu aimes ? Je ne sais plus où mettre les yeux. Les fruits, les légumes s’écoulent dans les ruelles blanches. Un vendeur de gâteaux de semoule au miel m’interpelle, j’en ai déjà acheté. Des vapeurs de fritures, de grillades aux épices inconnues parfument l’air. Du haut des allées qui descendent, on aperçoit parfois la vallée. Le marché s’effile à travers la colline, le long des boutiques de vêtements et d’objets inattendus. On marche entre les histoires de tous les jours et celles du passé. Je griffonne sur mon carnet, pour me souvenir des vieilles pierres prosternées sous le bleu céleste, des femmes aux sourcils géométriques, avec des foulards assortis aux manches qui dépassent de leurs manteaux, aux yeux qui ne me regardent pas. Sayo photographie des marchands qui bavardent. J’essaie de me mettre à la photo moi aussi, et j’immortalise un vendeur de fraises israéliennes qui pose en riant. Plus loin, on s’arrête devant un marchand de crêpes, ses mains dansent sur la plaque arrondie, au son de sa voix qui n’attire plus les habitués. Moi, je l’écoute, je ne connais pas sa langue mais j’ai l’impression de comprendre. On lui achète une crêpe.

Le marché rejoint la rue Paul VI qui traverse la colline. On retrouve quelques sardines égarées qui descendent vers la Basilique. Les bans de touristes ne viennent pas jusqu’ici. On s’arrête pour discuter de ce qu’on mange. Un passant, qui nous croit perdues et affamées, nous indique un resto de falafels. Encore des falafels ! Je lui dis qu’on verra, il insiste gentiment puis s’en va vers le marché. Je suis toujours aussi étonnée de la chaleur des gens d’ici. On avance en espérant tomber sur quelque chose de sympa. Le guide donne quelques adresses de restos qui n’ont pas l’air très authentiques. On s’arrête à nouveau. Y a rien, où on va ? Quelqu’un fait de grands gestes dans le décor, c’est le mec d’y a cinq minutes, derrière sa friteuse à falafels. Il nous invite à entrer dans sa boutique. Je regarde Sayo, elle fait pourquoi pas des épaules, alors on le suit. Il n’y a que des Palestiniens. C’est bon signe. Le serveur nous demande ce qu’on veut, je ne sais pas ce qu’ils ont, il dit, houmous, falafels ! Je prends ça. Sayo commande un kebab. Deux Allemandes s’installent derrière nous. Les plats arrivent. Le kebab est au mouton, servi dans une crêpe. Les falafels, pas terribles. Je vois une petite salade sur la table des Allemandes, si j’avais su ! Je mange les pitas et les légumes en rêvant aux falafels de la veille. Je demande au serveur comment aller à Qumran. Il a l’air embêté. Il crie, Nur ! Et Nur ne sait pas non plus, c’est compliqué, vaut mieux ne pas y aller. Shukran !

On reprend la route. En bas de la colline, la rue Paul VI s’élargit, les taxis nous klaxonnent en passant. A l’arrêt de bus pour Jérusalem, on trouve des taxis qui attendent les touristes.

Salam, c’est possible d’aller à Qumran ?

Oh, oui, c’est possible, c’est possible, tout est possible !

Super !

Tu veux un tour de Bethléem, je te montre, tu veux voir la Basilique de la Nativité où Jésus est né…

Non, c’est bon !

Tu veux voir le Mur, tu veux voir les peintures de Banksy, tu sais (il imite un tagueur), je te montre ! Je t’emmène où tu veux, tout ce que tu veux, tu demandes, je t’emmène !

OK, merci, on va voir.

OK OK, dis-moi, pas de problème.

D’abord, let’s go to Qumran !

Rose Tee