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Association pour l'aide aux jeunes auteurs

Florian HUC – Rêver le Kenya

Kenya

Tout est plongé dans le brouillard. Les sonorités se mêlent aux couleurs. Elles se mêlent à leur tour aux odeurs qui se mêlent aux surfaces. Tout n’est plus que saveurs. Le bruit est tâche. Le goût est chromatique…

L’odeur s’écoute. Les sucs se palpent. Les couleurs se goûtent. Tous mes sens sont déroutés. Pourtant il est là. J’ai un mot auquel me rattacher. Ma décision est prise, j’irai au Kenya. Ce n’est encore qu’un son, mais il est là. Il prend forme, s’étire se gonfle, s’impose à moi. D’une jolie couleur rousse avec des reflets rouge sang. Une chaleur douce s’en dégage, chaleur qui tranche avec l’odeur de fauve. Odeur forte et persistante à m’en donner la nausée, odeur soutenue par des cris aigus. Je les vois s’approcher. Des chasseurs sont cachés parmi les grandes herbes. La pointe de leurs lances dépasse tandis que le soleil qui se reflète sur leurs boucliers transperce la quiétude de la savane. Ce soir un garçon sera homme ; un lion sera mort. Les armes sont inégales, le garçon n’est pas seul. Pourtant l’équilibre n’est pas rompu. Ce ne sera pas un massacre. La vie s’équilibre, l’harmonie est présente. Diverses communautés cohabitent. Certains récoltent, certains élèvent, d’autres chassent. Depuis quand cela se perpétue t’il ainsi? Je ne sais rien des premiers habitants si ce n’est qu’ils étaient là. Leurs os en témoignent, retrouvés au fond d’une grande faille. Cette balafre qui traverse le Kénya de part en part, clairsemée de lacs, sanctuaires ornithologiques.

Cela devait finir. Ce n’était qu’un grand terrain de jeu. Vierge? Pour les européens oui… Ils se sont succédés. Toujours plus loin, chacun après ses chimères. Rien de trop facile, rien de trop méchant. Mais ça ne devait pas durer. Le pays est devenu blanc. Blanc couleur sang. Un Blanc or pour cent mille noirs sueur.

La poudre a retenti, la savane s’est enflammée, les lions se sont couchés, les éléphants ont été amputés, les guépards scalpés. Le massacre a commencé. Un jeu, un simple jeu de domination. La puissance justifie tout. Tandis que certains jouissent, la nature saigne. Signe précurseur de la répression organisée par les colons. Il faut dire que les indigènes prétendaient être égaux.

Je ne connais rien du Kenya. Ce ne sont que des images connues de tous qui se mêlent entre elles. Pourtant son image m’apparaît plus clairement. L’espoir semble permis. Le pays s’organise alors que je le découvre. M’adoptera t’il? Je me rêve au bord de ses lacs, roses de flamands, moi même rouge de soleil. J’arpente ses cimes enneigées, côtoie ses profondeurs aux couleurs chamarrées. Simple particule, grain de sable ou goutte d’huile ; responsable de mes actes. Je me rêve invisible spectateur de ces lieux intangibles où je serai demain.

Le rêve s’effrite, la réalité galope. Je partirai le 8 à 12h52 pour arriver le 9 à 6h37. A partir de là le temps m’est compté. J’ai 60 jours, je visiterai 5 réserves, gravirai 1 sommet, plongerai 4 fois. Les sons seront lieux. Massaï Mara, Mont Kénya, lac Natron, Nakuru, Aberdares, Amboseli, Cherangani Hills, mont Elgon, Tsavo… Je parcourrai des milliers de kilomètres pour aller à la rencontre de ceux que je trouverai sur mon chemin.

Si j’ai déjà voyagé à la découverte du Kenya au travers de son histoire et de sa géographie, il me reste encore à le vivre.