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Association pour l'aide aux jeunes auteurs

Marlène – Au détour du Faso

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Deux amies d’enfance de 21 et 22 ans et un rêve fou : parcourir le monde. C’est ainsi qu’avec Marlène nous nous sommes envolées vers notre première destination, le Burkina Faso.

Nous y faisons la rencontre de Saoudata Aboubacrine, une femme touareg pleine d’énergie. Elle assure la direction de Tin Hinan, une ONG qui cherche à promouvoir un développement durable et compatible avec le mode de vie touareg. Tin Hinan ? C’est le nom touareg donné à la « mère fondatrice ». Une façon d’affirmer que la défense du peuple nomade doit passer par l’émancipation de ses femmes, dépositaires de la culture et garantes de l’unité de la communauté. Suite à cette rencontre, nous décidons de partir dans le Sahel à la rencontre des peuples nomades. C’est ainsi que nous prenons la route pour le petit village de Tasmakat…

A deux sur une petite moto, à toute vitesse en plein sable….rien de très engageant à première vue. Mais lorsque le conducteur, dénommé Rissa, vous annonce que la moto n’a pas de frein, c’est à ce moment que votre visage choisit d’adopter une tonalité verdâtre. Après avoir évité de justesse les premiers ânes et charrettes apparaissant sur notre route à la sortie de la ville, j’essaie tant bien que mal de suivre le mouvement de la moto, qui semble évoluer sur de la glace et danser avec elle de façon dangereuse. Jusqu’à ce que celle-ci se retourne et me projette à terre. Alors que je parviens difficilement à m’extirper de la moto qui m’écrase les jambes, je ne reçois aucune aide mais des réprimandes : je ne me suis pas suffisamment tenue ! Et pourtant, même à terre, mes mains se cramponnent encore à l’arrière la moto….Toute tremblante, je remonte sur l’engin, redoutant les prochaines péripéties qui m’attendent. Nous quittons le sable pour rejoindre une piste, si l’on peut l’appeler ainsi. De mon point de vue, ce qui s’étend devant moi ressemble plutôt à une allée de cratères, parfois barrée par un tronc d’arbre effondré. Nous croisons des femmes et des enfants, à pied ou à dos d’ânes, portant des fruits, des légumes ou des poules vivantes. Comme nous, ils sont engagés sur ce chemin qui ne semble mener nulle part. Puis nous quittons la piste pour nous enfoncer dans les dunes. Impossible de comprendre comment Rissa peut reconnaître le chemin, alors que tout paraît si semblable : du sable, et seulement du sable. Finalement, nous apercevons le village qui se dresse au loin. Contre toute attente, c’est donc en un seul morceau que je fais mon entrée à Tasmakat.

Perdue. C’est ce dont je dois avoir l’air en ce moment. Rissa est reparti chercher Marlène à Gorom-Gorom et nos hôtes se sont retirés après m’avoir installée sur une natte au milieu du village. Pour beaucoup, je suis la première blanche qu’ils voient, alors impossible de parler inaperçue. Tous défilent devant moi, me parlent, s’animent, me tendent toute sorte d’objets. Des enfants fuient à ma vue en pleurant. Et tout cela bien sûr en Tamachek, ce qui ne rend pas la communication facile. Les femmes m’entourent peu à peu et finalement, nous nous mettons à rire ensemble de bon coeur. Le rire a de bon cela qu’il est universel : nous n’avons pas besoin de parler la même langue pour le partager ! Marlène arrivée, nos hôtes reviennent et nous pouvons enfin faire connaissance et nous installer dans une case.

Sous le soleil du Sahel. Supportant difficilement la chaleur, nous passons une grande partie de notre première journée au bord de la « mare », un lieu sublime d’où nous pouvons observer toute la vie du village. . Il s’agit d’un lac recouvert de nénuphars qui s’étend à perte de vue, si bien que la surface verdoyante de l’eau se confond avec le sol. Tout autour, des arbres offrent une ombre généreuse qui atténue la chaleur environnante. Au beau milieu de cette zone désertique, ce village nous semble bel et bien être un havre de paix. Aujourd’hui, c’est jour de marché et tous les villages environnant sont venus pour l’occasion. Alors que celui-ci touche à sa fin, nous assistons à une scène surprenante : pour rejoindre leurs villages respectifs, beaucoup doivent atteindre l’autre rive du lac. Or, n’ayant pas d’alternative plus rapide pour le traverser, tous traversent à pied. Nous assistons donc à un défilé de chameaux, d’ânes, de chèvres, de marchands poussant leurs charrettes, de femmes portant du mil sur la tête…et tous dans l’eau des pieds jusqu’à la taille !

Surprise gastronomique. Le lendemain, nous optons pour un réveil que nous pensons être matinal et nous nous levons difficilement à 7h à l’aide de notre réveil. Pas si matinal que ça en fin de compte: toute la maison est active depuis 5h du matin. A peine avons nous ouvert les yeux qu’arrive le chef de famille: «Nous vous avons préparé le petit déjeuner!»

La vue des baguettes de pain et le simple fait d’imaginer de bonnes tartines nous mettent déjà l’eau à la bouche. «C’est de la tête de chevreau» poursuit-il en nous montrant la casserole. Mais, à la vue de nos têtes apparemment très expressives, il décide d’ajouter : « En fait, on va la décortiquer pour vous, ce sera plus simple que la tête en entier… »

Certes, la vue d’une tête d’animal mort à 7h du matin n’est pas ce qu’il y a de plus appétissant, mais les premières bouchées passées, on y prend vite goût !

Femmes nomades. Au fur et à mesure que nous faisons connaissance avec les femmes du village, elles commencent à nous parler de leur quotidien. Discussions possibles grâce à Moussa, leur professeur, qui joue le rôle d’interprète. Ici, comme elles nous l’expliquent, c’est la tradition qui prime sur la loi. Bien que l’âge légal soit de 18 ans, les femmes sont mariées ici beaucoup plus jeunes, selon le mariage coutumier. Ainsi, le plus souvent une fille sera mariée à 13-14 ans et aura son premier enfant à 15 ans. La femme peut toutefois choisir son mari si ses parents sont d’accord. Mais si à l’âge du mariage elle n’a trouvé personne, alors on lui en impose un. Autrefois, les fillettes étaient même mariées dès l’âge de 5 ans et allaient vivre, encore enfants, chez le mari qui leur avait été désigné. L’école des femmes. Les femmes du village qui le souhaitent peuvent assister aux cours d’alphabétisation dispensés par Tin Hinan. Leur mari étant au travail, les femmes sont obligées d’y assister accompagnées de leurs enfants, qui dorment ou déambulent au milieu de la salle. Tour à tour, les femmes passent au tableau et tentent de relire le texte écrit par Moussa. L’ambiance est conviviale et détendue, et lorsqu’une élève peine sur un mot, les autres essaient de l’aider. Ce qui pourrait passer aux premier abord pour un simple cours d’alphabétisation va en fait bien au-delà. Les textes choisis ne sont pas anodins : ils permettent de sensibiliser les femmes sur des sujets tels que les règles d’hygiène, les maladies, les droits de l’Homme, etc. En répétant tour à tour chacune des phrases, les femmes assimilent ainsi les principales informations sur les thèmes abordés. A la fin de la séance, Moussa les questionne pour s’assurer qu’elles ont bien retenus la leçon de sensibilisation.

Les veillées. Le soleil tombé, la voute céleste, où s’étend majestueusement la voie lactée, nous offre un spectacle magique dont je ne peux me lasser .Nous passons ainsi nos soirée avec la famille qui nous accueille à contempler les étoiles autour du feu et d’un traditionnel thé à la menthe. Le dernier soir, alors que nous voulons aller aux latrines, Rissa nous conseille d’aller directement dans la brousse. Soit. Mais à peine avons nous trouvé un endroit suffisamment reculé et pourvu d’un minimum de végétation que nous sommes rattrapées par des enfants bien décidés à nous suivre. Faisant preuve de beaucoup de patience, nous marchons longuement et réussissons enfin à être seules. Mais une fois venu le moment de rentrer, nous réalisons vite que nous sommes perdues ! C’est le désert tout autour de nous et nous avons tellement tourné que nous ne savons plus d’où nous venons. Pas la moindre trace de village à l’horizon. Ce n’est qu’après de nombreux débats, avoir cherché désespérément le village au milieu de la pénombre et être passés dix fois devant le même buisson que nous rejoignons enfin notre case. Rissa était déjà prêt à lancer les recherches !

Le moment de partir est déjà arrivé. Nous faisons nos derniers adieux et embarquons sur la moto qui doit nous ramener à Gorom-Gorom. «Le soleil n’oublie pas un village parce qu’il est petit» dit le proverbe africain. Nous non plus, c’est certain, nous n’oublieront pas le petit village de Tasmakat…

Marlène