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Audrey SEIGNEUR – Une histoire de chiens…

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Durant la saison hivernale, la région du Vercors est entièrement recouverte d’un long manteau blanc. Montagnes et vallées se confondent et seuls les plus hauts sapins se distinguent. Enchanteresse mais impitoyable, la nature joue parfois de mauvais tours aux habitants du coin et il devient, par exemple, difficile de circuler…
De la neige et des chiens

A l’entrée de la forêt de Vassieux-en-Vercors, à 6 kilomètres au sud du village, Valérie du Rétail a trouvé la solution et attend chaque année la neige avec impatience. Cette grande femme blonde, mère de famille, exerce la peu courante profession de musher. Grandes étendues de neige, froid polaire, aurores boréales, le musher rappelle Paul-Emile Victor, Balto, Croc-Blanc ; on pense aussi à Nicolas Vanier, on imagine la ruée vers l’or au Canada. A 44 ans, Valérie du Rétail fait partie de cet univers, entre fabuleuses légendes et dures réalités.

Photo Audrey Seigneur

Si l’on suit les traces parallèles dans la neige avant qu’elles ne soient recouvertes par d’autres flocons, on arrive devant une grange. Un coup de coeur, l’aide d’amis, et Valérie en a fait sa maison. Sans eau ni électricité, la vie à la grange, dite de l’Echauda, s’est progressivement organisée depuis 1992.

Une trentaine de chiens se trouve à côté de la grange, dans un enclos aménagé. Depuis plus de quinze ans, Valérie du Retail élève des Sibérian Huskies. Originaires du sud de l’Artique où ils étaient élevés par les Chuckchis, les huskies sont de nos jours les chiens nordiques les plus nombreux en Europe. Ils sont réputés pour leur vitesse et leur endurance, leur maniabilité et leur gentillesse. Eleveuse reconnue, Valérie vend certains de ses chiens ; les meilleurs potentiels sont gardés pour l’attelage.
Suivez le guide!

Valérie du Rétail fait partager sa passion en organisant des randonnées. Au plus proche de la nature, elle vous emmène découvrir la région. L’été, attaché à un chien au niveau de la ceinture, vous vous promenez : c’est de la cani-rando. En professionnelle, elle vous offre une approche « éthologique » et « sensitive » permettant de comprendre les chiens, de prendre du plaisir à leurs côtés et de dépasser les appréhensions de certains. L’hiver, elle initie des petits groupes (environ 5 personnes) au métier de musher.

Son objectif est de vous « confronter à la magie et aux rigueurs de l’hiver en montagne », de vous faire partager « la glisse silencieuse à travers forêts, plateaux et crêtes, au rythme des attelages ». Savourez, observez, admirez la beauté intacte des paysages traversés.

Debout à l’arrière du traîneau, le temps et le paysage défilent à une vitesse impressionnante. Quand le soleil est présent, l’effort associé aux combinaisons de ski fait rapidement monter la température. Au contraire, lorsque les nuages prennent le dessus, la vitesse gèle le visage. Masque, écharpe et bonnet ne sont, alors, pas de trop. On n’est jamais à l’abri d’une belle tempête de neige!
Au fil de la neige…

Lorsque l’on s’arrête, il est déjà l’heure de déjeuner, là, dans la neige. La table se dresse rapidement, à l’aide d’une toile cirée posée sur la poudreuse. Les thermos d’eau chaude sont les plus demandés, pour la soupe et le café ; pour la vaisselle aussi.

Le repas est finalement bienvenu, la randonnée est plus sportive qu’elle n’en a l’air. Le principe n’est pas de rester posé sur les patins du traîneau à attendre que les chiens fassent tout sans aide ; il faut courir dans les lignes droites, pousser dans les montées. Sans la confiance de son attelage, le musher n’est rien. S’il y a trop de neige, on prend les raquettes et on marche devant les chiens pour tasser la neige, leur permettre d’avancer.

L’après-midi se déroule au fil des kilomètres et des kilogrammes de poudreuse que les chiens avalent. En une journée, en fonction des conditions, (état et épaisseur de la neige, conditions climatiques, dénivelé, etc.) la distance parcourue varie entre 15 et 30 kilomètres avec un groupe. Un animal sauvage se risque à traverser la piste de temps en temps. Parfois, c’est un skieur de fond que l’on croise. Peut-être qu’on le retrouvera au refuge ce soir.
Soirée rustique au coin du feu

Le refuge, justement, on y arrive. Au loin on dirait simplement un amas de pierres posé là, au milieu d’une grande clairière blanche, entouré d’arbres nus. En se rapprochant, on découvre une belle et grande maison à deux étages. Pour l’eau, il faut marcher un peu : il n’y a pas l’eau courante à l’intérieur, mais la source n’est pas bien loin. Pour la lumière, les bougies et la cheminée allumées dès l’arrivée suffiront. Assis sur les bancs recouverts de peaux de bêtes, on se régale de quinoa bio et de poires au chocolat. On discute nature, écologie. Le musher est proche de l’environnement : « Cela évite de se déconnecter des vraies valeurs », explique Valérie. Celle-ci a développé son amour pour la nature dans son enfance passée en forêt de Fontainebleau. Elle informe, conseille et souhaite faire comprendre son métier, « ce nomadisme ancestral et en autonomie ». Chacun vante les mérites de ses chiens, on rit de la chute d’un camarade dans la poudreuse. Il fait moins 10 degrés dehors, mais la température dans le refuge est des plus agréable.

Photo Audrey Seigneur

Les chaussettes sèchent devant la cheminée, les chiens se sont endormis dehors, les bougies finissent de se consumer ; tout le monde rentre dans son sac de couchage à l’étage. Celui qui veut avoir plus chaud en restant dormir devant la cheminée, est responsable de son bon fonctionnement.

Pour ceux qui désirent aller aux toilettes, il faut se rhabiller, se munir d’une lampe torche et marcher en direction du petit bois, à cent mètres. Il y a bien des toilettes, mais la source d’eau qui les alimente est tarie, alors… Au plus proche de la nature, on vous avait prévenu!
Les chiens avant tout

Les premières lueurs du jour et les hurlements des chiens réveillent la chambrée le lendemain. Il faut se lever et aller les nourrir. Le petit-déjeuner attendra : on s’occupe des chiens avant tout. Le soleil est radieux, son reflet dans la neige éblouissant et il fait déjà doux. Remplissage de gamelles de croquettes, de morceaux de truites et d’eau. « Ange », « Patty Choute », « Vladi », les noms fusent, à vous de trouver vos chiens! Les premiers jours, la tâche est ardue : un chien, c’est un chien! De plus, Valérie du Rétail a croisé ses chiens dans le but de garder la robe unie si spécifique aux huskies.

Cependant, au fil du temps, vous vous rendez compte que Patty Choute est plus grise que Too-Much, que Valda est noire et Virage blanc… Vous commencez même à leur trouver un caractère propre : Playboy a bien mérité son nom, Vladi et Vostok sont décidément inséparables, Tolkien est tellement majestueux qu’il aurait pu sortir des romans de l’auteur dont il a hérité du nom…

Retour au refuge pour votre propre petit-déjeuner. Maintenant que vous savez ce qui vous attend au cours de la journée, vous profitez des grosses miches de pain, des pots de confitures et des boissons chaudes. Puis vient l’heure, toujours délicate et redoutée, de replier son sac de couchage. On range alors les affaires dans le traîneau, des sacs de couchage à la gazinière portable en passant par les provisions de nourriture. Une fois le chalet vidé, on enfile son manteau encore chaud d’avoir passé la nuit devant la cheminée et on va préparer les chiens.
L’immensité du plateau du Vercors

Les traîneaux sont près, les uns à côté des autres, les lignes tendues vers la destination de la journée : pas question de faire de demi-tour une fois les chiens en place! On passe donc les harnais aux chiens avant de les attacher aux lignes du traîneau. Les chiens de tête sont placés en dernier : il faut faire comprendre à l’attelage qui sont les chefs.

Une fois debout sur les patins, une fois l’ancre du traîneau arrachée de la neige, l’enthousiasme des chiens vous propulse en direction du plateau du Vercors.

Grande immensité recouverte d’une épaisse poudreuse, le plateau est plein de pièges pour les apprentis mushers. Par endroits balayée de vents violents, la neige devient verglas, les chiens peuvent déraper et les traîneaux glisser. Rien de telle qu’une petite frayeur cependant pour vous maintenir les yeux grands ouverts. Il aurait été dommage de rater ce paysage…

Les falaises se dressent majestueusement sur la vallée, et le vertige vous guette alors que les chiens courent toujours plus vite, toujours plus près du vide. Menez-les plutôt vers la plaine, afin d’y admirer les somptueuses congères…

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On pourrait rester ici des heures, sous le soleil, devant cette magnifique nature. Il faut cependant rentrer. Il faut détacher les chiens une dernière fois, enlever leur harnais, les féliciter et les remercier le plus sincèrement du monde. En peu de temps, vous avez (re)découvert une région, appréhendé un nouveau moyen de transport. Un monde nouveau s’est ouvert à vous, plein de neige, de chiens, d’aventure et de respect. Si vous avez aimé, revenez cet été, des promenades à cheval sont au programme. Prêt pour de nouvelles aventures?