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Anne SACATOLIN – Au coeur de la lointaine Indochine

Sacatolin
Partie depuis 2 mois et demi, c’est en essayant de rejoindre le Laos depuis le Vietnam, en traversant la chaîne annamitique et entrant dans la vaste forêt asiatique que je me suis vraiment sentie happée par une nouvelle culture, un autre mode de vie…

Je quitte Hanoi et les sentiers battus pour rejoindre le Laos, via Na Meo et espérer atteindre ainsi le Nord Est du pays et rejoindre Veng Xia, anciennes grottes servant de quartier général au Pathet Lao.

Ne possédant que peu d’informations malgré les guides, blogs et forums, je m’embarque pour Ninh Binh, véritable baie d’Along des rizières comme aiment le dire les Vietnamiens, où je pensais trouver un mode de transport pour atteindre rapidement la frontière laotienne.

Mais tout n’est pas si simple, et c’était sans compter sur le charme vietnamien, et sa fierté… Il me faudra jouer de ruse pour éviter de payer 120 USD pour rejoindre une ville encore inconnue par le chauffeur lui-même au moment de ma demande, ou encore pour trouver une réponse à la question « Quand le prochain bus part-il pour Vinh ? ». En effet, ne trouvant pas d’alternative pour rejoindre Na Meo, c’est en direction de Cau Treo, un peu plus au Sud de la barrière montagneuse que j’espère traverser la frontière. Pour cela, je dois tout d’abord rejoindre Vinh, nœud de communication vers le Royaume du Million d’éléphants. Mais personne au terminal de bus ne semble décidé à m’aider… et c’est en conversant avec un charmant responsable hôtelier à qui j’avais décidé de louer une moto pour explorer les environs que la porte vers le Laos s’est ouverte. Il appelle son cousin, qui justement effectue une liaison quotidienne entre Hanoi et Vinh, et m’arrange un RDV sur le bord de la route… en fin d’après-midi.
Rallye et karaoké

En montant dans le bus, je le découvre plein ! Les 20 passagers présents occupent déjà tous les sièges disponibles, mais pas de problème, on me trouve (ainsi qu’à mon sac à dos) une place entre kilos de riz et fenêtre. Et c’est parti pour une véritable aventure sur la N1. Ici, le code de la route est très certainement inexistant car notre chauffeur n’hésite pas à emprunter les 2 voies de la route pour s’assurer qu’il ne perd pas de vitesse et se fait un plaisir à utiliser l’un de ses 3 différents klaxons pour avertir les autres automobilistes de ses actes. Malgré un tel rallye, je ne me sens pourtant pas en danger, et profite avec émerveillement du spectacle, assuré également par les autres passagers chantant en choeur en regardant un karaoké sur l’écran installé juste au-dessus du siège du chauffeur !

Mon premier contact avec la véritable population vietnamienne ne s’est pas arrêté à la simple promenade en bus, mais a vu son apogée ce jour-là lors de l’escale obligatoire. J’ai en effet été confronté à une nouvelle forme de toilette à la turque, les toilettes communes. En fait, l’architecture du lieu se résume en une pièce, carrelée et parsemée de rigoles où tout le monde (hommes et femmes) se pressent pour effectuer leurs besoins, aux yeux de tous, et sans gêne apparente !

Mon escale à Vinh sera de courte durée, mais là encore, je comprends que la barrière de la langue et le goût démesuré du Vietnamien pour le marchandage des devises étrangères ne m’aidera pas à atteindre Lak Sao, première ville laotienne après la frontière. Ayant rejoint la gare routière tôt le matin, je n’embarquerai finalement que vers 10h, après avoir tenté désespérément de payer mon ticket de bus au prix officiel, affiché sur un tableau, mais ne mentionnant pas le prix pour touristes, selon le (re)vendeur…

A 13h, le Laos est à moi, je quitte enfin le Vietnam !!! C’était sans imaginer que le prochain bus que j’emprunterai serait rempli de Vietnamiens. Et là encore, ma rencontre avec ce peuple sera plein de surprises car je ne me serai jamais imaginé avoir à rester 4h dans un bus de travailleurs vietnamiens pour effectuer à peine 6 Kms!

Une fois de l’autre côté de la frontière, à Lak Sao, tout semble plus calme, plus vert, plus doux… et si communiste ! En effet, chaque maison est ornée du drapeau national et de la faucille et du marteau. Moi qui m’attendais à découvrir le communisme en Chine, c’est entre montagne et Mékong que j’y suis confronté !

Un lourd passé anime le Laos et il ne se relève que lentement de ses blessures reçues par son frère siamois, la Thaïlande, ou plus récemment par les guerres d’Indochine, du Vietnam et la guerre secrète. Il reste encore fermé à l’influence des grands courants économiques et culturels qui envahissent notre planète et aura dû attendre la fin des années 90 pour recevoir ses premiers touristes et effectuer ses premiers échanges.

Ma première rencontre avec le peuple laotien aura lieu au marché, entre grillades et « sticky rice ». Je découvre un peuple curieux et souriant, qui veut échanger et n’hésite pas à partager son bol de riz gluant ou de piocher dans mon assiette sans même remarquer mon étonnement.
Le mal des transports

Je n’avais cependant pas prévu d’arriver si au Sud, et espère donc rejoindre rapidement Ventiane, la capitale, pour commencer mon exploration du Nord. Et dès le lendemain, je souris en découvrant une autre caractéristique du peuple des éléphants, le mal des transports. Peu habitué à effectuer des trajets en engin à moteur dans un pays montagneux, tout le monde ici semble souffrir d’un étrange mal dès lors qu’il met le pied dans un bus (russe). En passant la porte, le chauffeur, son fils, sa femme ou sa fille (une véritable histoire de famille) vous offrent un sac plastique et n’hésitent pas à effectuer un arrêt supplémentaire sur la route pour se ravitailler lorsque les stocks sont épuisés ! Au début, je n’avais pas très bien compris quel était ce mal si étrange qui touche à la fois hommes et femmes, mais un guide m’a éclairé en m’expliquant que lui aussi souffrait du mal des transports lors de ses premiers déplacements !

En route pour Phonsavan, sur l’unique route qui sillonne le pays du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, le paysage est à couper le souffle, la nature semble intacte, libre et belle. Entre magnifiques paysages, jungles, forêts et plaines marécageuses, on croise de petits hameaux sur le bord de la route, avec ses maisons faites de bois, de bambou, de chaume. Les gens vous saluent, mais tout semble être arrêté, comme figé dans un temps passé, loin de la mondialisation.
Le fond de la savane

Mais le Laos, ce ne sont pas que ces douces histoires…

En arrivant à Phonsavan, j’y ai découvert le côté obscur lors d’une rencontre impromptue avec un quarantenaire Australien, vivant dans le pays depuis déjà 7 ans et travaillant pour le MAG (Mining Advisroy Group).

C’est à son contact que j’ai vraiment mesuré les dégâts causés par la Guerre secrète. Le peuple Hmong en est aujourd’hui encore la principale victime, mais dans les années 70, les Américains n’ont pas hésité à bombarder le Nord du pays tout d’abord pour évacuer les bombes qu’ils n’avaient pas réussi à larguer au-dessus du Vietnam, mais aussi pour tuer tout Vietnamien du Nord ou opposant qui aurait tenté de rejoindre le Sud par la chaîne annamitique, et plus tard pour éradiquer les membres du Pathet Lao.

Ce sont aujourd’hui 20 tonnes de bombes par kilomètre carré qui parsèment le pays, prêtes à exploser au moindre mouvement. Le nettoyage sera long et difficile (voire impossible ?) comme me le conte cet homme à la mission si honorable.

Son rôle principal consiste à former les locaux à l’art de l’extraction de bombes, mais sa tâche n’a rien de facile. Il se dit confronté à un peuple fier, refusant souvent de reconnaître ses erreurs et habitué à son sort. S’imaginer vivre dans un autre monde semble impensable pour un Laotien. Pour lui, la situation est ainsi , ne peut évoluer et il ne veut plus faire confiance aux étrangers, se rappelant son passé. Il m’explique également que le Pathet Lao exerce toujours et encore un pouvoir souverain sur son peuple en contrôlant l’information (ses mails sont vérifiés, il ne peut pas s’exprimer ouvertement), en omettant d’inclure dans les programmes scolaires les horreurs de l’Histoire ou en favorisant un développement économique lent pour ainsi mieux régner… J’apprends même que les camps de rééducation existent toujours et que de nombreux prisonniers ou invalides y sont tenus à l’écart.

Ma vie de touriste ne m’a pas du tout offert le même reflet de cette civilisation et découvrir l’énigmatique Plaine des Jarres après cette soirée d’échanges au musée MAG me rend finalement si triste.

Mon séjour asiatique sera encore plein de surprises, mais c’est en l’espace de ces quelques jours, au contact de la population que j’ai appris que le voyage n’est source de découvertes et d’aventures que s’il est vécu en contact avec la population.

Je ne cesserai cependant de m’interroger… Comment peut-on laisser un peuple souffrir ainsi ? Pourquoi ne doit-on pas payer pour les conséquences de nos actes, nous soit-disant pays développés ?