Lagos vous aspire et vous cloisonne. Je m’en sentais donc prisonnier. Jusqu’à la rencontre de Joseph.
En sa qualité de chauffeur de moto-taxi, il sillonne les routes de la mégalopole nigériane.
Sa moto roule au diapason d’une ville vibrante, électrique. Elle fend son air moite et révèle son bouillonnement. Sur les flancs des routes, les vendeurs aux étals haranguent piétons et automobilistes, concurrencés par les vendeurs ambulants qui, s’immisçant sur des territoires qui n’appartiennent qu’à l’acier, affrontent l’asphalte brulant et les capots fumants. Sur le macadam, en effet, s’affrontent dans le chaos de la circulation, les camions-citernes vitaux d’essence ou d’eau traitée, les prudents taxis à 4 roues, et les Jeep des Mopol aux sirènes hurlantes. Elle s’arrête, parfois seulement, paralysée dans un go-slow.
Les jambes serrées contre l’okada, je ne cherche pas la hauteur mais un angle aussi large que possible; pas une vue en plongée, mais un traveling, pour capturer en image cette cité
fascinante assis derrière mon guide.
Or, ce passeur professionnel se joue des frontières. Nous dévalons le pont Babangida, qui relie, au nord, les ramifications récentes de cette Lagos au sang jeune, à la presqu’ile qui ferme la lagune éponyme. Pas d’impasse possible : ni Lagos Island, où les area boys jouent au foot à l’ombre des sièges d’entreprises, ni les chantiers de Lekki, où Joseph vit. Sa simple présence, familière, justifie la mienne, et enfin je saisis le pouls de Lagos.