Lorsque nous arrivons au monastère de Tingaza, sur la route de Kalaw, deux billes noires nous fixent déjà…
Arun est moine novice. Comme beaucoup d’enfants birmans, il est entré au monastère comme nous allons à l’école. Il y apprend principes du Bouddha et alphabet.
Pour l’heure, il semble plus intéressé par mon appareil photo que par sa prochaine réincarnation.
Je saisis son regard. Captivant. Il rit en voyant le résultat. Je crois qu’il n’est pas d’accord avec mon cadrage. Il veut se voir entier, au milieu de sa bande qui nous encercle déjà. Ils sont fascinés par leur crâne rasé vu de haut, une partie de leur corps jamais observée. Le syndrome de la face cachée de la lune. La pluie disperse finalement cette petite assemblée.
C’est un peu plus tard que nous rencontrons les deux doyens du monastère. L’un a le regard doux et les dents rougies par la noix de bétel. Sa toge révèle un corps complètement tatoué, talismans ésotériques qui le protègent des mauvais esprits. Le bouddhisme n’exclut pas l’animisme glisse t’il, malicieux. L’autre nous raconte la révolte des moines de 2007. J’ai du mal à suivre son anglais. Il parle avec agitation. « Ils ont osé tué des moines ». J’hésite à en faire un portrait; je ne veux pas l’interrompre. Je finis par saisir son regard, découpé et fébrile, dans les pièces de verre qui l’entourent.
Nous passerons finalement la nuit au monastère. Au matin, la prière a déjà repris. Je risque un dernier coup d’oeil dans le monastère.
Arun me jette un regard plein d’humour au dessus de son épaule. Je déclenche. Je pense que cette fois, le cadrage lui aurait plu.
