Une année. Une année et quelques mois à partager ces traces d’indépendances. Une année à apprendre dans ces cases de béton réappropriées. Pas de savoir universitaire, mais du savoir vivre ; du savoir-débrouille qui redéfinit les blocages d’une jeunesse algérienne sur la faille.
Failles identitaires, entre occident et cinquante années d’indépendance confisquée, entre savoir fondamental et savoir du quotidien, à trois ou quatre dans ces chambres universitaires. Ces clichés se veulent un témoignage de ce monde caché entre les murs des nouveaux conglomérats d’Algérie qui font se côtoyer les algériens; clichés contre les clichés d’un sud miséreux, d’une jeunesse perdue. C’est l’espace qui se perd ici, pas ces jeunes.
Ces cités sont un espace à rattraper sans cesse; par le jeu, par l’évasion, par la raillerie, par l’attente, par le thé. Sorte de mélancolie évasive, sans cesse à modeler. L’espace y est rattrapé : toutes ces chambres sont un bout de l’Algérie impressionnante. Chambre du sud, chambre de Béchar, chambre de Chlef. Musique contre thé. Match de Ligue des Champions contre clips libanais. Tout y est négocié.
Le »piratage » s’impose à ces jeunes pour survivre jusqu’à créer une troisième voie,vivifiante : »pirater » le quotidien, se le réapproprier pour s’accrocher à une joie de vivre consciente de ses limites, sceptique parfois, souriante à jamais. Ces clichés veulent montrer la création et la richesse de cette jeunesse oubliée, utilisée, écartelée mais qui fait plus que survivre : elle recrée une Algérie qui repousse ses frustrations, en joue même. Ces photos peuvent nous faire entendre le piratage linguistique, créatif et vivant qui réinventent les règles du jeu des dominos comme celles d’une vie où s’imposent des mélanges. Ces photos sont le témoignage d’un jeune d’occident et d’ailleurs, incorporé à ce mélange, naturellement, comme happé par un quotidien libérateur, souvent inconscient mais tellement humain.