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Corentin LORANT – Une aventure ordinaire en Croatie

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La Croatie mes amis, est un beau pays. Une rencontre entre le monde slave et le monde méditerranéen. Mélange détonnant. Carnet de voyage.

Vous vous en souvenez, un facétieux nuage de cendres avait squatté notre espace aérien. Du coup, ma sœur et moi, fatalistes dans l’âme, nous étions résigné à ne pas jouir comme prévu d’une semaine de vacances sur les rives de l’Adriatique. Le coup du sort, le hasard, le destin… Qui sait? Ce n’était pas très gai, nous avions tous deux grand besoin de changer d’horizon. Il s’avéra en fait que notre agence de voyages nous contacta au chant du coq pour nous avertir qu’il fallait être à l’aéroport avant midi, celui-ci ayant rouvert plus tôt que prévu. Miracle! Certes, les valises ne sont pas faites, rien n’est fait, nous sommes en retard… Mais finalement nous parvenons à prendre l’avion, votre serviteur pas lavé, pas rasé, pas coiffé, mais soulagé. Direction Dubrovnik, puis Cavtat. Nous étions censé loger dans un trois étoiles, mais en fait l’on nous donna un quatre étoiles.

Il y aurait beaucoup à dire sur cet hôtel; sur la façon dont nous nous sommes goinfré au buffet, ou saoulé au bar. Sur la charmante équipe d’animation, sur le soir où nous avons gagné nonchalamment à un quizz deux massages de la tête et un cocktail. Mais vous en conviendrez, l’intérêt du voyage se situe plutôt extra muros. Et nous avons plutôt bien rempli nos journées, oui. Nous n’avons pas fait que traîner au bar, à la piscine, non, non. Nous avons médité au clair de lune dans un élégant cimetière perché en haut d’une montagne, que voici…

…nous avons visité la maison du peintre Vlaho Bukovac, et je ne saurais que trop vous recommander de jeter un œil à ses peintures, nous avons évidemment exploré le quartier historique de Dubrovnik, nous avons nagé, fait du kayak, testé les alcools et les cigarettes locaux…

Et puis un jour, ma sœur a eu la brillante idée d’aller à Zaton, parce qu’il y aurait de belles villas et des grottes aux alentours. Nous prenons le bus, nous nous y rendons. Il ne nous faut pas plus de cinq minutes pour constater qu’il n’y a strictement rien à voir dans ce bled, aussi entreprenons-nous de rentrer à l’hôtel, toujours via le bus.

Le bus n’arrive pas. Une demi-heure. J’active ma discothèque cérébrale, je me remémore un air de Sonic Youth.

Time to take a ride, time to take it in a midnight eye

And if you wanna go, get on… below

Pinking out the day, dreaming out the crazy way

Finger on the love… it’s all… above…

I got some dirty boots, yeah! Une heure, pas de bus. Je me mets à me ronger les ongles, ce qui est généralement mauvais signe. Nous envisageons le stop, mais ça ne fonctionne pas vraiment. Le soir approchant, nous nous faisons une raison: il va nous falloir retourner à Dubrovnik à pied. Onze kilomètres, si ma mémoire ne me trompe pas. C’est humain. Le seul problème est… Primo, la route n’a pas de bas-côté. Secundo, les Croates roulent très vite. Vraiment très vite. Tertio, nous sommes en pays montagneux, nous allons devoir affronter de sacrées côtes.

Manquant sans doute de nous faire happer à plusieurs reprises, nous menons notre expédition vers la civilisation. Il nous faut régulièrement traverser à toute vitesse la route lorsque le bas-côté laisse place à un fossé. Je manque de tomber dans une étrange cavité bétonnée, à un moment. Nous longeons une montagne où il y a des chutes de pierres… en traversant, nous nous retrouvons face à un nid de vipères. Nous empruntons un pont où un pot de fleurs commémore probablement un décès. Plus bas, des chats sauvages se défient du regard, comme des duellistes du XIXème. Après onze kilomètres de marche insupportable, nous voilà de retour en ville, où l’on gagne le port en prenant des escaliers serpentant entre des maisons, ce qui est tout à fait charmant, parce que l’on croit que ce sont des jardins et des allées privées, alors que ce sont des rues. Couverts de poussière, éreintés, l’on peut enfin se jeter sur le premier bar et la première supérette. Les gâteaux locaux ne sont pas mauvais. Comme nous sommes des gens débrouillards, nous parvenons à retrouver la gare routière, où la nuit tombe, les touristes ayant succédé aux jeunes hooligans du coin qui, me semble-t-il, nous jettent des regards torves.

Et, bouquet final, on a manqué de peu de manquer le bus pour l’hôtel. « On en rira plus tard », affirme Nolwenn. Toujours est-il que le lendemain, mes courbatures étaient telles que le moindre mouvement m’exaspérait. Délassement dans la chambre, où l’on peut regarder Malcolm et des films de Leslie Nielsen, en allemand.

Je garde un souvenir précis des ruelles faites d’escaliers, où des vêtements sont suspendus sur des fils entre les maisons, façon italienne. Je me marre en me rappelant cette fontaine obscène où l’eau jaillissait du con d’une femme de pierre. On a à peu près testé tous les alcools locaux au rade sous le regard bienveillant du barman qui ressemblait vraiment à Roger Hanin (mais qui s‘appelait Marinko, en réalité), de la bière aux digestifs en passant par les gins, les vodkas, les vins glacés, et ce sweet-je-sais-plus-quoi dont raffolait ma sœur.

On se rendra ensuite au Monténégro, l’on découvre un pays plutôt pauvre, dont les côtes sont vraisemblablement entre les mains de la mafia. Les lieux du tournage de Casino Royale, les yachts, une plage où la location du transat’ est obligatoire, une où les Stones et compagnie ont donné des concerts, et plus intéressant: une île artificielle créé en un siècle jour pour jour, aux temps médiévaux. Une église dessus, où l’on trouve une malle remplie de billets et de pièces du dernier siècle (une coutume russe dirait que quand l’on jette de la thune dans un coffre en lieu saint, l’avenir vous rendra quatre fois plus. Personnellement…); de chouettes tableaux, dont celui-ci, qui me sert actuellement de fond d’écran:

Et toujours cette température idéales, ces brèves pluies orageuses, cette absence de mégots par terre, cette cuisine qui utilise vraiment trop le chou et l’oignon, ce vin qui monte si vite à la tête… ce qui me fait penser à ce mec louche (vétéran de la dernière guerre, selon ses dires) qui m’a offert un cru artisanal sans étiquette, incroyablement fruité… jusqu’à ce que ma sœur intervienne providentiellement pour m’arracher à son incessant bavardage pâteux.

Tous ces souvenirs sont ancrés solidement en moi. Voyage modeste, aux yeux de certains, qui paraîtrait moins palpitant que la Patagonie où la Nouvelle-Zélande… Destinations intéressantes, certes, mais ma foi j’ai eu mon lot de découvertes, de surprises et de plaisir dans ces régions balkaniques. Las, je n’ai pas retenu grand-chose du croate… Da, oui, jé, non… et zivjeli! (Santé!) Le principal, quoi. Ma sœur avait je crois appris à dire merci, mais ce fût oublié.

Je traîne dans l’hôtel, j’aimerais faire mon Raoul Duke -malheureusement, mon fume-cigarettes et le chapeau adéquat sont restés en France. Nager, manger, boire, aller dans des endroits inconnus. La belle vie, à mon goût. Mais pourquoi diable ce satané bar ferme à 23h, pourquoi..? Lors des derniers jours, les G.O se mettent à faire des animations dans la journée, en plus de leurs très kitsch mais marrants spectacles. Je finis deuxième à un concours de tir, puis il faut aller prendre le bus jusqu’à l’aéroport. Retourner à la patrie nuageuse. Au morne quotidien. Dans les bars où les pintes sont non seulement payantes, mais surtaxées. Aucune chance de trouver une marque de cigarettes de qualité à 80 centimes le paquet. Dans l’avion du retour, un type derrière nous sent tellement fort que l’hôtesse passe un coup de désodorisant. Mon iPod n’a plus de batterie, je ne peux pas écouter God is an Astronaut en regardant les cieux par le hublot, comme je l’ai fait à l’aller. Je rêve d’avions à la carlingue transparente, où une lumière ardente inonderait l’appareil, où l’on aurait une vue imprenable. Je finis Tropique du Cancer, que je classe définitivement dans les bouquins géniaux. Sacrée Beat Generation.

La Croatie s’éloigne, avec elle ses eaux azur, ses sommets arides, ses bagnoles rouges, ses bijouteries pour touristes, ses habitants accueillants, ses églises partout.

A l’aéroport français, une touriste prend en photo les guichets d’identification et les portiques.
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