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Association pour l'aide aux jeunes auteurs

Mélanie BOGHANIM – Un jardin secret en Thaïlande

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J’ai toujours eu faim d’inconnu, de découvertes, de rencontres d’ailleurs, loin de mon lieu de vie. Beaucoup de voyages en Europe, en Israël ou au Maroc ont nourri mon adolescence, mais souvent organisés à l’avance, sans réelle surprise…

Un vrai voyage sac à dos, seule, sans réservation, avec l’incertitude de pouvoir dormir dans un lit le soir même, de se laisser porter simplement par cette nouvelle vie temporaire, relevait du fantasme depuis longtemps. J’emploie bien le terme fantasme, parce qu’hypocondriaque comme je le suis, la simple idée de partir là où les moustiques peuvent vous faire plus de mal que dans le midi me traumatisait. Et un jour, j’ai préparé la plus complète des trousses à pharmacie qui soit et décidé de partir… mais accompagnée, chaque chose en son temps. J’ai eu envie de partager ce petit bout de vie avec ma cousine. Elle a vécu et travaillé en Inde plusieurs mois et son expérience me rassurait.

Alors nous avons choisi la Thaïlande, destination devenue pour le moins banale et accessible à tous aujourd’hui. Devenue banale parce qu’elle offre une facilité de déplacement et une sécurité étonnante. Mais parfaite 1ére destination à qui n’a jamais dépassé les frontières Européennes, et qui n’a jamais eu la joie de tester le voyage « sac à dos”. On peut se payer le luxe, là où chez nous, nous n’irions pas plus loin qu’au Macdonald.

Elle est peut-être devenue très familière à nos oreilles malgré le Tsunami qui finalement n’a pas effrayé longtemps les touristes, mais, elle n’en est pas moins fabuleuse. Il faut bien sûr savoir choisir les bons spots. Le tourisme, qui nourrit quand même considérablement le pays, a malheureusement gâché l’authenticité de certaines îles.

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La veille de notre départ, j’angoisse à en vomir les sardines que j’avais ramenées de Bretagne. Je réalise que je pars loin et que si ça se passe mal… je reste loin. Mais je regarde ma trousse à pharmacie, et elle me rassure, elle a tout ce qu’il faut pour me garantir un bon voyage et même des lexomils pour alléger mon vol, parce que oui pour faciliter le tout j’ai peur en avion.

Tout se passe évidemment bien, sinon je ne serai pas là pour en parler. Dans l’avion, on corne rapidement les pages du guide sur les lieux qui nous plaisent mais la même envie nous habite, ne pas en savoir trop à l’avance.

Deux jours après notre arrivée à Bangkok, à Ayuthaya (ancien empire monarchique) encore en processus d’apprentissage de la vie Thaï et d’oubli de la vie parisienne, arrive cette rencontre. En pleine visite des divers monuments en ruine de cette ville, je marche les yeux rivés vers les hauteurs de ce temple, des buddhas allongés, des buddhas assis, des buddhas debout, des petits des gros… Je suis très attentive. C’est à ce moment-là qu’un jeune couple Thaï m’interpelle pour me prendre en photo avec leur fils. Sur l’instant même, dubitative, je n’ai pas compris la démarche, me disant qu’il me demandait de le tenir pour que je les prenne eux en photo… mais non il me voulait juste moi une inconnue avec leur fils. Plutôt étrange… j’étais dans leur pays, moi touriste, eux résidents, et moi objet de « découverte” étant moi-même dans un endroit totalement inconnu. Et je me suis dit pourquoi pas, j’étais tel un monument historique devant lequel il voulait photographier leur enfant, sous tous les angles.
Cinq petites minutes

Ce moment d’apparence complètement anodin se transforma en un de ces petits bouts de vie magique qui vous reste. Cette rencontre aurait été moins surprenante si elle s’était passée à Paris. Je les aurai sûrement inclus dans ces groupes d’asiatiques qui visitent frénétiquement les capitales européennes dans un esprit de surconsommation touristique. Ils n’auraient sûrement pas marqué ma mémoire, ils auraient été simplement des touristes assoiffés de clichés, de là à prendre leur fils avec une Parisienne, comme si j’étais une drôle de chose, hors norme, à garder dans leur pellicule. Je n’aurai pas forcément eu raison de réagir de cette façon. Mais simplement, s’éloigner de son cocon, de ce que l’on connaît et que parfois on vomit, vous ouvre l’esprit à plus de sentiments, vous acceptez mieux les vrais rencontres, vous en avez envie. J’étais loin, sans repères, tout était différent.

Ces cinq petites minutes nous confondent tous les 4 dans une bulle de bonheur et de simplicité.

Cette rencontre humaine est la première d’une longue lignée. Il y en a eu de moins bonnes dans ce périple thaïlandais, bien sur ce ne sont pas des bisounours. Il y a toujours ceux qui vous font sentir que vous n’êtes qu’un touriste de plus, ceux qui ne s’encombrent pas avec la sympathie. Mais c’est toujours le même schéma, ici ou ailleurs, ce sont des personnes qui saturent d’organiser tous les jours les mêmes voyages en car pour les jeunes globe-trotters de ce monde.

Nous continuons nos visites culturelles, tout en sentant l’orage et la nuit arriver. Ce qui m’angoisse légèrement, parce que nos amis les moustiques ne vont pas tarder et j’ai oublié mon 5X5 à l’auberge. Puis à cet instant, deux jeunes filles Thaï souhaitent nous prendre en photo ma cousine et moi, mais seules devant un temple en ruine. Elles nous prennent plusieurs fois, ravies. «Est ce qu’elles ont un album spécial touristes ?» Finalement, c’était dans leur habitude de prendre des inconnus en photos.

Le soir même, à minuit, je sirote un mojito dans le bar de l’auberge. J’observe un groupe de belle Thaïlandaise en train de jouer au billard. Je suis leur partie, tout en rêvassant et là j’entends une énorme voix d’homme sur un ravissant corps de femme. Je comprends qu’aucune d’elle n’est une femme. J’aurai dû m’en douter par leur taille. J’étais bluffée. Mais je ne veux pas parler de leur beauté et de leurs jambes élancées, elles peuvent être impressionnantes à Paris aussi. Il s’agit de leur intégration dans la vie quotidienne Thaï. Elles sont acceptées et peuvent travailler ailleurs que dans le monde de la nuit. Elles vivent comme tout le monde. Elles sont tout justement respectées. Ce qui dans un pays comme la France n’est pas évident. J’ai souvent été choquée par une certaine agressivité et un véritable rejet envers les transsexuels. Alors j’étais heureuse que cet endroit les accepte.
Le pont de la rivière Kwai

Le lendemain matin, départ pour Kanchanaburi. Nous prenons le minibus où le sommeil me prend en main dès mes fesses posées dans ce cocon climatisé. Quoique je fusse ponctuellement interrompue par ce chauffeur qui roulait vraiment vite. Chaque fois que j’ouvrais les yeux, je me disais que j’allais mourir et puis finalement je ne devais pas être si effrayée, parce que ma tête basculait rapidement en avant. Après Bangkok et Ayuthaya, nous voilà dans la ville du pont de la rivière Kwai.

Je crois qu’on y était enfin, nous réalisions la Thaïlande. Les deux premiers jours, tout flotte un peu, dans un climat irréel. À ce moment, je peux dire que nous étions présentes. Alors ce qui est souvent jouissif dans les pays étrangers, où la langue n’est pas la vôtre, c’est de se permettre de parler fort et de croire que personne ne vous comprend. Vous vous sentez tout à coup débordant de liberté et de spontanéité. Jusqu’à ce que cela vous mène au ridicule.

Comme ce soir-là, où une bouteille de rouge, à peine digne de la meilleure piquette parisienne qui soit, nous délie encore plus les langues, ma cousine et moi. Nous parlons ouvertement et fièrement entre nous d’histoires intimes, qui pourraient être honteuses si l’on venait à nous comprendre. Nous parlons aussi des trois personnes à deux mètres de nous, qui parlent anglais depuis le début, donc, à priori, aucune crainte à avoir. Nous nous acharnons particulièrement sur l’un d’eux, qui nous observe depuis le début du repas. Nous pensons à un plan drague qui nous fait rire, parce que le garçon en question n’est pas ce qu’il y a de plus charmant, et l’on ne se gêne pas pour le dire. Tout en pensant être malines, en ne les regardant pas, ils ne sauront pas que l’on parle d’eux. Bien sûr, la chute est évidente, ce mec en question, se retourne et nous adresse un  » ça vous dirait de partager un verre avec nous », en français…

Je crois que nous aurions pu fondre de honte si nous avions été l’un de ces personnages de dessins animés. Il avait évidemment tout entendu et bizarrement ne nous en tenait pas rigueur. Nous sommes vite redescendues sur terre. Je m’en suis voulue de me croire tout permis sous prétexte que les personnes qui vous entourent ne vous comprennent pas.

Il est dur de partager et de faire comprendre tous ces sentiments qui vous traversent dans un tel voyage. Vous pensez souvent avec envie au moment où vous allez pouvoir raconter votre histoire à ceux qui n’y étaient pas. Et finalement quand on s’y retrouve, ce n’est pas évident alors on baisse les armes et l’on se contente de parler de la carte postale, du sable blanc, et des beaux couchers de soleil, parce que finalement c’est votre jardin secret.

Mais est ce qu’il n’en serait pas moins fabuleux une fois conté ?!