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Guillaume DUPON – Singapour, carrefour de l’asie ou vitrine occidentale ?

singapour

Singapour, rien que le nom est trompeur. D’origine sanskrite, il signifie «ville du lion», mais l’île n’a jamais abrité de lion que dans un zoo ou en statue. Et on a vite fait de s’apercevoir que tout est du même acabit, faux ou imité.

Les temples hindous par exemple : je pensais découvrir quelque chose de magique en pénétrant pour la première fois dans un tel lieu de culte. J’admirais ces idoles, ces couleurs et j’essayais de comprendre les rituels des fidèles. Quelle ne fut pas ma déception lorsqu’une amie pratiquante m’a dit qu’elle ne retrouvait pas du tout dans ce bâtiment bariolé l’ambiance sacrée des temples indiens bâtis dans la pierre des montagnes par les rois il y a plusieurs siècles. Dans le même état d’esprit, il y a l’île de Sentosa – «tranquillité» en malais – qui se veut être à la fois un parc d’attractions et une plage branchée façon Ibiza. C’est un concept intéressant, à ces détails près que le sable est importé, l’horizon est masqué par des queues interminables de cargos, et ce qui reste de forêt est en train d’être rasé pour faire place à un casino et un gigantesque complexe hôtelier.
Grandes artères

On constate ainsi un manque d’authenticité, d’aucuns diront même d’une culture propre à Singapour. Il s’agit plutôt d’une accumulation, d’une rencontre entre les peuples chinois, indiens et malais, ayant chacun une identité propre forte. Cette mixture au goût asiatique s’est malheureusement faite dans le cadre de la compétition économique et de l’implantation des enseignes occidentales. Sur les grandes artères de la ville, comme la très commerciale Orchard Road, rien, pas même un bâtiment qui n’évoque le continent. En souvenir de ce que devait être la ville autrefois, il reste simplement les quartiers de Little India, Chinatown ou encore d’Arabic Street. Ce sont les rares endroits du centre-ville où l’on peut trouver des bribes de culture traditionnelle. En dehors de ces zones bien délimitées, on est vite perdu au pied des gratte-ciel, au milieu d’un trafic automobile infernal. A noter malgré tout une légère touche exotique avec une végétation luxuriante au bord des routes. On peut même apercevoir des jardins suspendus sur certaines tours de bureaux. Mais, dans l’ensemble, il est difficile de trouver un coin calme où bouquiner tranquillement à l’ombre d’un palmier. Il existe certes de nombreux parcs, très propres et très organisés, mais pas bien étendus et jamais isolés du bruit. Tentative originale, la ville projette de relier tous ses parcs d’ici la fin de l’année 2009 ! Concernant le bord de mer, il est occupé presque entièrement par les docks et les quelques plages ne donnent pas vraiment envie de se baigner tant la mer est polluée.
Shopping omniprésent

Dans ce décor insulaire tourné vers le business se cache une profonde rupture sociale. On distingue d’un côté ceux qui sont bien installés dans ce système et le font vivre en consommant. Et puis il y a ceux qui survivent. Tout en bas de l’échelle, les Indiens qui travaillent sur les chantiers, sous une chaleur épouvantable, plus de dix heures par jour à moins d’un euro de l’heure. Leur employeur les héberge dans des dortoirs et ils se déplacent sur leur lieu de travail à l’arrière d’une camionnette, entassés comme du bétail. A la pause déjeuner, ils se reposent à l’ombre d’un arbre, sur un terre-plein au milieu du flux des voitures. A l’autre extrémité, aux habitants les plus aisés, s’applique la loi des cinq «C» qui se veut résumer l’idéal singapourien : career, cash, condominium, car et country club. D’abord le travail, on dit que le gouvernement décide de fermer tôt le métro pour décourager les gens de sortir le soir. L’argent car c’est ce qui permet, entre autre, de s’adonner au shopping, passe-temps favori des autochtones qui en ont les moyens. Le condominium correspond au type de logement le plus luxueux, appartement dans une copropriété au pied de laquelle on dispose généralement d’une piscine privée. Quant à la voiture, en posséder une est un signe extérieur de richesse certain dans une ville où la carte grise coûte aussi cher que la voiture elle-même et où il faut renouveler tous les 10 ans son véhicule pour des raisons écologiques. Enfin, toute bonne élite de la société singapourienne est membre d’au moins un club. Toute cette partie de la population, on la croise dans les centres commerciaux, les bars et les boîtes de nuit du centre-ville, au milieu des expatriés occidentaux qui, dans la plus grande majorité, profitent de la bonne qualité de vie qu’offre l’île à ceux qui sont un peu fortunés.
Mode de vie

J’ai rencontré un chauffeur de taxi, d’origine hong-kongaise, qui se plaignait du manque de courtoisie des Singapouriens. «Ici, les gens ne se respectent pas entre eux, ils n’ont d’égard que pour ceux qui parlent anglais, ceux qui ont de l’argent», regrettait-il. Le seul avantage de vivre ici, selon lui, est la sécurité. La ville-état est effectivement réputée pour ses caméras, ses nombreux policiers en civil, et surtout sa quantité impressionnante d’interdictions. On ne citera que l’interdiction de la vente du chewing-gum, depuis que des petits malins se sont amusés à coller les portes d’une rame de métro avec de la pâte à mâcher. Sur chaque panneau d’interdiction, le prix de l’amende. Ce sera 250 euros si vous êtes pris à boire ou manger dans les transports publics. Parmi les excès, on trouve aussi le MMS envoyé à toute la population pour prévenir de l’évasion du boiteux Mas Selamat Bin Kestari, un des chefs de l’organisation terroriste Jahma Islamya. Les lois sont à mettre au compte d’un gouvernement autoritaire. Le parti d’action populaire (People’s Action Party) est au pouvoir depuis l’indépendance en 1965. Et si, contrairement à ses pays voisins, le gouvernement est exempt de corruption, c’est peut- être grâce aux salaires que s’octroient ses membres. Le premier ministre touche 3 millions de dollars singapouriens (près d’1,5 millions d’euros) par an. Si certaines personnes critiquent le mode de vie complètement artificiel, la surface trop petite de l’île et le manque d’activité significative, je n’ai jamais entendu personne porter de jugement sur la politique du pays. L’économie étant prospère, ils jugent qu’il n’y a rien à redire et que la censure est de ce fait justifiée. J’ai même un voisin chinois qui me faisait l’éloge des libertés sur l’île, en comparaison à son pays… Mais malgré les restrictions qui existent en Chine, dans ce cas encore, la bonne croissance exempte à ses yeux le gouvernement de toute critique.
« Démon rouge »

Si, par son architecture et son histoire, Singapour n’est pas aussi riche que ses voisins asiatiques, elle accueille et donne ainsi la possibilité de rencontrer des ressortissants de tous ces pays. Pour palier à un taux de natalité faible, elle finance les études supérieures de jeunes venus de tout le continent. En contrepatrie, les jeunes s’engagent, une fois leur diplôme en poche, à travailler sur l’île pour une durée variant de trois à six ans en fonction de la bourse qui leur a été allouée au départ. Ce processus entretient la mixité culturelle du pays. La meilleure illustration de ce brassage réside dans les langues, puisque Singapour ne compte pas moins de quatre langues officielles qui sont l’anglais, le mandarin, le tamoul et le malais. En pratique, les locaux parlent le singlish, qui est un mélange de l’anglais et du hookien, un dialecte chinois. Le premier mot qu’on apprend est ane-mo qui désigne les Occidentaux et qui signifie «démon rouge» en souvenir des colons britanniques, rougis par le soleil.

Janakiraman vient lui, comme la majorité des Indiens qui résident à Singapour, de l’Etat du Tamil Nadu, dans le sud. Nous partageons une chambre chez l’habitant, au douzième étage d’une tour à l’ouest du pays, proche de la zone industrielle. Il m’apprend le tamoul, je lui enseigne le français. Son rêve est de faire une thèse de doctorat à l’Ecole Normale Supérieure, preuve de la bonne réputation de la recherche scientifique française à l’autre bout du monde. Et pour le chinois, je m’exerce avec mon coéquipier d’aviron Wai Mum, seul membre de l’équipe nationale singapourienne. Notre club est situé dans un petit coin encore sauvage de l’île. Si bien qu’il est recommandé de taper sur la tôle du hangar à bateaux avant d’y pénétrer, afin de faire fuir les éventuels serpents. Après les entraînements, nous nous rendons dans un hawker center, espace de restauration qui dispose en général de nombreux choix de nourriture chinoise, indienne, thaï, malaise ou encore japonaise. On y mange bien et varié, pour une somme modique. L’ambiance y est authentique puisque c’est dans ce genre d’endroits, que l’on trouve un peu partout dans la ville, que viennent manger les locaux. Bien que ce ne soit pas du goût de tous. Je me souviens de cette étudiante qui se justifiait d’aller réviser à l’aéroport pour le calme, la climatisation, mais aussi parce qu’«il y a tout là-bas : Mac Donalds, Starbucks, Burger King, et c’est ouvert toute la nui